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Nowruz : Le retour du printemps et des souvenirs



Il y a des moments dans l’année où le temps semble se plier à la mémoire, où les odeurs, les couleurs et les rituels d’enfance ressurgissent avec une force intacte. Pour moi, Nowruz est ce moment. À chaque fin d’hiver, une douce nostalgie m’envahit, une chaleur venue d’un ailleurs qui est toujours en moi.


Deux mois avant, tout commençait. Khune tekuni, le grand ménage du printemps, où mes parents nettoyaient la maison de fond en comble, comme pour effacer l’ancien et faire place au renouveau. Mais ce n’était pas seulement la maison, c’était aussi le jardin. Nous nettoyions le jardin avec soin, faisions couler de l’eau partout, laissant la terre absorber cette fraîcheur, caressant les troncs noueux des figuiers comme pour les réveiller du long hiver. Et surtout, nous plantions des fleurs, beaucoup de fleurs. Les شمعدانی (géraniums) étaient toujours là, alignés dans leurs pots en terre cuite, éclatants sous les premiers rayons du soleil printanier.


Deux semaines avant, nous faisions pousser le sabzeh, ces jeunes pousses de blé ou de lentilles, symbole de vie et d’espoir. Dans la cuisine, l’odeur des shirini nokhodchi et des noon berenji emplissait l’air. Ma mère et mes sœurs confectionnaient ces petites douceurs, une par une, avec patience et minutie. Et moi, j’avais ma mission : avec un pinceau tremblant entre mes doigts d’enfant, je déposais une minuscule touche de safran sur chaque noon berenji, comme une signature dorée sur un rituel sacré.





Puis venait le moment d’acheter des vêtements neufs, des chaussures étincelantes, un frisson d’excitation partagé par tous les enfants de la famille. La veille de Nowruz, nous décorions des œufs, comme pour Pâques, et préparions la Haft-Sin, cette table ornée de sept éléments sacrés, chacun porteur d’une promesse : sabzeh pour la renaissance, seeb (pomme) pour la beauté, senjed pour l’amour, seer (ail) pour la santé, serkeh (vinaigre) pour la patience, somaq pour le lever du soleil et samanu, cette pâte sucrée de blé, pour la prospérité.


L’instant de Nowruz arrivait à une heure imprévisible, parfois en plein jour, parfois à l’aube. Après les câlins et les vœux de Nowruz, nous étions prêts à manger le sabzi polo ba mahi sefid, le riz aux herbes avec du poison du nord de l’Iran. Ensuite, la visite aux anciens s’imposait. Chez ma grand-mère, on recevait l’eidi, un billet glissé entre les pages du Quran ou du Divan de Hafez, cette poésie qui nous guide et nous console.


Après l’immigration, ces traditions prennent une autre dimension. Elles deviennent une ancre, un lien invisible mais puissant avec ce que nous étions, avec ce que nous voulons transmettre. Aujourd’hui, c’est à moi de perpétuer ces rituels pour ma fille, pour mon mari, et de les partager ici, en Suisse, où Nowruz est encore trop peu connu. Car cette fête millénaire, célébrée par des millions de personnes à travers le monde, porte en elle un message universel : celui du renouveau, du retour à la lumière, et de l’éternité des racines.





Et si Nowruz est un poème, alors Hafez en est la voix. Ses vers, tirés au hasard, révèlent des vérités cachées, comme un écho à nos âmes. Peut-être qu’en ouvrant son recueil, au moment de Nowruz, il nous soufflerait ces mots :


“Ne t’inquiète pas du vent, il emportera l’ombre et ramènera le printemps.”


غم مخور، باد صبا سایه‌ی ابر از سر باغ ببرد

باز بر مرغ چمن، باز بهاران آمد






Shahrzad, Mars 2025

 
 
 

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